Pendant les dernières vacances, Peanuts est parti 5 jours chez son grand-père. Je les ai passé pour l’essentiel à lire et regarder des films et des séries. J’en ai fait le plein, à en déborder, à enchaîner les épisodes, mettant en pause pour bricoler un repas vite fait et le prendre devant l’écran, à traîner mes livres à travers chaque pièce, à faire les choses d’une seule main sans vraiment regarder, à jongler entre les programmes de la journée et ceux du soir avec Celuiquim’accompagne, menant de front plusieurs histoires. Je me suis nourrie de fiction, je m’en suis repue, je m’en suis comblée, je m’en suis rassasiée.
Et ça m’a fait un bien fou.
– J’ai passé 5 jours sans Peanuts, ai-je dit à mon psy.
– Et alors ?
– J’ai à peine travaillé. J’ai vu du monde, pour une fois. Un peu. J’ai passé des heures sur Netflix. J’ai avalé les 2 saisons de Stranger Things en 72 heures. Et encore, j’ai regardé autres choses pendant ces 72 heures parce que l’Homme ne regardait pas Stranger Things. J’ai lu 4 livres aussi. J’ai fini une autre série aussi. Je me suis nourrie de fiction. Ça m’a fait un bien fou.
– Cela nourrit l’imaginaire.
– Sans doute que je suis plus faite d’imaginaire que je croyais. Ça m’avait manqué sans que je sache que c’est ce qui me manquait.
Des fois, on se parle comme ça avec mon psy.
Cette semaine j’ai commencé un livre. J’en ai lu 20 pages alors que mes yeux tentaient de se fermer malgré moi. Je l’ai posé en sachant déjà qu’il allait être important. Vingt pages volées à mon épuisement et déjà il m’habitait. Le lendemain, je sombrais dans le sommeil très tôt et sans l’ouvrir, c’était déjà frustrant d’être épuisée à ce point, ne pas y ajouter la frustration de n’arracher que quelques pages. Ne pas faire cela, non plus, à ce livre, de ne le lire qu’en pointillés, d’en perdre des paragraphes à cause du sommeil qui s’impose. Vendredi, j’ai pu commencer à m’y plonger. Et j’étais ferrée. Je suis tombée de fatigue mais le livre était installé à l’intérieur de moi. Même fermé, il était là. Même réveillée en pleine nuit par l’enfant, puis bien trop tôt le matin, même dans ce samedi à me sentir vaseuse, j’arrachais toutes les minutes possibles pour avancer ma lecture. Il fallait que je lise, que j’avance, que je sache. Et plus les pages passaient, plus j’étais triste à l’idée que j’allais terminer ce livre. J’avais besoin de l’avoir lu mais je ne voulais pas l’avoir fini.
Il n’y a guère de moment où je voudrais envoyer bouler toute ma famille et me mettre dans une bulle. Même quand je manque de sommeil – plus que d’ordinaire, que je suis aux toilettes, que j’arrache le temps d’un bain, je ne le ressens pas ainsi. Là, j’ai la sensation d’avoir passé ma matinée d’aujourd’hui à me battre, me battre contre les éléments pour pouvoir lire, pour pouvoir lire ce livre, parce que j’avais besoin de lui, parce qu’il y avait ce cri en moi que seule les dernières pages feraient taire.
Maintenant je suis un peu comme orpheline parce que je ne pourrais plus jamais lire ce livre pour la première fois.
Ça n’arrive pas souvent. Si vous ne l’avez jamais vécu, peu importe mes mots, vous ne le comprendrez pas tout à fait. Si vous savez de quoi je parle, peu importe mes mots, vous avez déjà tout compris de quoi je parlais.
S’il ne devait y avoir une seule réponse à « Pourquoi il faudrait lire ? », ce serait celle-là.